Suivi gynécologique et obstétrical bientraitant


PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer un suivi gynécologique et obstétrical bientraitant
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 12 janvier 2023


PRÉSENTÉE PAR

Mme Raymonde PONCET MONGE, MM. Guy BENARROCHE, Daniel BREUILLER, Ronan DANTEC, Mme Monique de MARCO, MM. Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Guillaume GONTARD, Joël LABBÉ, Paul Toussaint PARIGI, Daniel SALMON et Mme Mélanie VOGEL, Sénatrices et Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La gynécologie est une spécialité médico-chirurgicale qui a pour objet le diagnostic et le traitement des maladies de l’appareil génital féminin et du sein, la prise en soin du traitement de la stérilité, la régulation des naissances ainsi que le traitement des troubles de la ménopause. Elle est divisée en plusieurs branches, parmi lesquelles on compte l’obstétrique relative à l’accouchement et à ses suites.

Donner la vie, c’est également risquer la sienne. Selon l’OMS (l’Organisation Mondiale de la Santé), en 2019, environ 830 femmes décédaient chaque jour dans le monde du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. En 2015, le ratio de mortalité maternelle dans les pays dits « en développement » était de 239 pour 100 000 naissances, contre 12 pour 100 000 dans les pays dits « développés ». Les inégalités sociales et d’accès aux services de santé créent des disparités entre les pays ainsi qu’en leur sein, selon le niveau socio-économique, le lieu de vie, et d’autres cpoaractéristiques1(*). À titre d’exemple, le taux de mortalité maternelle est quatre fois plus élevé en Outre-mer qu’en France hexagonale.

L’accouchement est, en tout état de cause, un moment pivot, durant lequel les femmes sont en proie à des sentiments multiples, à des bouleversements physiques et émotionnels. Ces dernières années, les réseaux sociaux se font l’écho de témoignages de femmes portant sur certaines pratiques médicales maltraitantes dont elles sont victimes. À titre d’exemple, en 2014, c’est une sage-femme qui dénonce sur son blog le « point du mari », ce point de suture supplémentaire effectué après une épisiotomie afin de resserrer le diamètre d’entrée du vagin dans le but supposé de renforcer le plaisir du partenaire. Le scandale provoqué par ce témoignage a entraîné de vifs débats, sur internet comme dans la presse grand public. La même année, dans les 24 heures qui ont suivi le lancement sur twitter de l’hashtag #PayeTonUtérus, plus de 7 000 femmes ont dénoncé des injonctions sur leur poids ou leur sexualité, sur leur volonté ou non d’avoir un enfant, des examens vaginaux brutaux et des actes pratiqués sans leur consentement. Les prises de parole des femmes se multiplient concernant les faits de violences gynécologiques et obstétricales, et ce, au niveau mondial. En 2019, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences publie un rapport concernant l’adoption d’une démarche fondée sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements et les violences infligées aux femmes dans les services de santé procréative, en particulier les violences commises pendant l’accouchement et les violences obstétricales (A/74/137).

Enfin, l’accouchement dans un milieu institutionnel médical caractérisé par une grande technicité s’est souvent imposé au détriment d’autres choix : maisons de naissance, voire accouchements physiologiques à domicile.

Cela a fortement contribué à la mise en place de protocoles standardisés, de pratiques routinières, de gestes médicaux dont la nécessité est parfois contestée. Par conséquent, ceci complexifie la construction d’un rapport patientes – praticiens et praticiennes équilibré et favorise de possibles violences.

En 2018, à la demande de la Secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a remis un rapport définissant les violences gynécologiques et obstétricales comme « les actes sexistes les plus graves qui peuvent se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes » et le HCE d’appeler à une prise de conscience des Pouvoirs Publics afin de reconnaître ces actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, les prévenir, faciliter les procédures de signalements et condamner les pratiques sanctionnées par la loi. Ce dénominatif recouvre une grande variété d’actes et de comportements, comprenant tant des attitudes ou propos sexistes que des actes attentatoires à l’intégrité physique des personnes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces violences gynécologiques et obstétricales. Elles sont les plus invisibles et les plus naturalisées des formes de violences qui pèsent sur les femmes dans notre société. Elles font partie d’un mécanisme de contrôle et d’appropriation du corps des femmes. En effet, la construction des différences biologiques entre les hommes et les femmes a justifié un système de représentations qui assigne à chaque genre des spécificités culturelles et sociales et des valeurs inégalitaires, établissant de ce fait un système de hiérarchie.

Selon le rapport précité de l’ONU, « les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative et pendant l’accouchement sont analysées comme s’inscrivant dans le prolongement des violations commises plus largement du fait des inégalités structurelles, de la discrimination et du patriarcat, et qui sont aussi la conséquence d’une sensibilisation et d’une formation insuffisantes et du non-respect de l’égalité de statut des femmes et de leurs droits ». Les violences gynécologiques et obstétricales renvoient à des violences de genre et à des violences institutionnelles. Se pose alors la question d’un droit des femmes à choisir les modalités de leur suivi gynécologique tout au long de leur vie et lors de leur accouchement ainsi que celle de la responsabilité civile et déontologique des professionnels de santé. Or, la restructuration des maternités s’est traduite par la fermeture, de plus en plus importante depuis une vingtaine d’années, des maternités de proximité (dites de type I, ayant vocation à accueillir les grossesses physiologiques sans complications prévisibles). Le phénomène continu, justifié par des contraintes budgétaires a abouti à la concentration des accouchements dans des établissements de type III ou II, théoriquement destinées à des grossesses à risque (III) ou nécessitant un suivi particulier (II). Selon la DREES, en 2021, les maternités de type II ou III concentrent 76 % des lits et 81 % des accouchements.

Faute de moyens humains et matériels suffisants, certain.e.s soignant.e.s dénoncent l’impossibilité d’accompagner les patientes tel qu’ils le souhaiteraient (notamment à travers le hashtag #Jesuismaltraitante). Le rapport précité invite les États à « pallier le manque de personnel qualifié et ainsi réduire la charge de travail élevée qui en découle dans les établissements de santé » et à « allouer suffisamment de fonds, de personnel et de matériel aux services de maternité, conformément au droit international des droits de l’humain, au titre duquel les États sont tenus de consacrer le maximum des ressources dont ils disposent à la santé sexuelle et procréative, y compris aux programmes relatifs à la santé maternelle et aux accouchements ».

Enfin, des prises de paroles traduisent un besoin d’humanisation des naissances. C’est ce que défendent les tenants d’une approche dite globale des naissances. Il s’agit de partir du principe que pour chaque femme, il y a une sage-femme. La femme enceinte dispose d’une seule référente qui la suit pendant sa grossesse, son accouchement et les suites de couches. C’est un élément de sécurisation pour la mère et pour l’enfant mais aussi pour le corps médical, car la sage-femme devient alors, en plus de ses compétences médicales, une personne pivot entre les professionnels de santé et les patientes.

En juillet 2022, le Comité pour l’élimination des discriminations contre les femmes de l’ONU a estimé que l’Espagne devrait indemniser une femme enceinte ayant subi des violences obstétricales. Le Comité a demandé à l’Espagne « de respecter l’autonomie des femmes et leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur santé reproductive en leur fournissant des informations complètes à chaque étape de l’accouchement » tout en exigeant que « leur consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu pour tout traitement invasif pendant l’accouchement ».

Cette proposition de loi comptant 6 articles vise donc à améliorer le rapport patientes – praticiens et praticiennes dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes afin de sécuriser tant les femmes et les enfants à naître que les professionnels de santé. Cette proposition de loi entend également tenir compte des prises de paroles qui se multiplient évoquant ces violences proprement gynécologiques et obstétricales pratiquées au sein du corps médical et propose une catégorisation des situations dites de violences obstétricales et gynécologiques dans le champ du droit afin de clarifier le cadre normatif existant et de permettre tant de fonder les recours éventuels de patientes que de sécuriser les pratiques professionnelles.

Le titre premier porte sur la caractérisation et l’établissement, dans le champ du droit, d’une échelle graduelle des situations dites de violences obstétricales et gynécologiques.

L’article 1 propose de caractériser dans le champ du droit les situations dites de violences gynécologiques et obstétricales afin de clarifier le cadre normatif existant, et de permettre de fonder les recours éventuels de patients comme de sécuriser les pratiques professionnelles.

Le corps médical exerce un rapport d’autorité légitimé par des études et expériences cliniques. Il véhicule par ce biais des normes, instaurant un système de pouvoir dans lequel les patientes sont en position de vulnérabilité. Il s’agit de veiller à ce que les subjectivités des patientes quant à leurs corps et à leurs expériences corporelles soient respectées.

De fait, le Droit français ne définit pas explicitement ces violences, a contrario de certains pays d’Amérique latine tels que l’Argentine et le Vénézuela qui les ont inscrites dans leur législation depuis la fin des années 2000. Une équipe de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne travaille actuellement au recensement et à la catégorisation des situations dites de violences obstétricales et gynécologiques dans le champ du droit. Néanmoins, une définition apparaît dans le rapport de 2018 du Haut Conseil à l’Egalité portant sur les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical selon lequel les violences obstétricales et gynécologiques sont les « actes sexistes les plus graves qui peuvent se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes », étant précisé que :

« Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical sont des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un.e ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical et qui s’inscrivent dans l’histoire de la médecine gynécologique et obstétricale, traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter). Ils sont le fait de soignant.e.s – de toutes spécialités – femmes et hommes, qui n’ont pas forcément l’intention d’être maltraitant.e.s. Ils peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves ».

Ce rapport identifie six types d’actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical :

– « Non prise en compte de la gêne de la patiente, liée au caractère intime de la consultation ;

– Propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids, la volonté ou non d’avoir un enfant, qui renvoient à des injonctions sexistes ;

– Injures sexistes ;

– Actes (intervention médicale, prescription, etc.) exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente ;

– Actes ou refus d’acte non justifiés médicalement ;

– Violences sexuelles : harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol ».

Cet article suit également les préconisations du rapport de la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences datant de 2019 qui encourage à « établir des mécanismes d’application du principe de responsabilité fondés sur les droits de la personne pour garantir réparation aux victimes de mauvais traitements et de violences, notamment sous la forme d’indemnisations, d’une reconnaissance des torts, d’excuses formelles et de garanties de non-répétition ». De surcroît, il stipule que « certaines femmes subissent des formes de discrimination croisées, ce qui en aggrave les effets négatifs, et la violence fondée sur le genre peut toucher les femmes à différents degrés ou de différentes façons, d’où la nécessité de réponses politiques et juridiques adéquates » et qu’il s’agit de « lutter contre la discrimination croisée et les stéréotypes aggravants visant des sous-groupes de personnes ».

D’une part, le présent article crée dans le code pénal les délits de violence gynécologique et obstétricale (intentionnel et non intentionnel) et le délit d’outrage sexiste gynécologique et obstétrical. Il les assortit de peines, et définit des circonstances aggravantes en fonction des discriminations croisées vécues par les victimes.

D’autre part, concernant les agressions sexuelles, les viols et les actes de torture et de barbarie, l’article vise à ériger en circonstance aggravante le fait qu’ils soient commis par un professionnel de santé.

L’article 2 prévoit une procédure disciplinaire spécifique pour l’examen des plaintes pour violences sexuelles, excluant toute conciliation et que le Président du conseil départemental de l’ordre des médecins et des sages-femmes adresse une copie de la plainte (accompagnée de l’avis du conseil) au parquet.

L’ordre des médecins et celui des sages-femmes sont tenus de veiller au maintien des principes de moralité, probité, compétence et dévouement, et à l’observation par leurs membres des devoirs professionnels et des règles édictées par le Code de déontologie. En cas de manquement d’un praticien à ses obligations, la patiente peut déposer plainte auprès du conseil départemental de l’ordre des médecins. Celui-ci organise une réunion de conciliation entre la patiente et le professionnel. En cas d’échec de la conciliation, la plainte sera jugée par la chambre disciplinaire de première instance, dont la décision peut faire l’objet d’un appel devant la chambre disciplinaire nationale puis d’un pourvoi devant le Conseil d’État.

Toutefois, cette procédure disciplinaire apparaît inadaptée aux violences sexuelles dont peuvent faire partie les violences obstétricales et gynécologiques. En effet, elle prévoit la participation de la victime à des réunions de conciliation avec son agresseur, alors même que La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul, 2011) interdit la médiation et la conciliation en cas de violences faites aux femmes.

Le titre deux vise à renforcer la prise en compte de la volonté des patients et des patientes.

L’article 3 rend obligatoire la possibilité de faire appel à un.e traducteur-rice dans les établissements de santé publics et privés. Il vise ainsi à accroître le consentement éclairé des femmes qui ne maitrisent pas la langue française, catégorie sociale particulièrement vulnérabilisée, et ce, afin de prévenir les violences gynécologiques et obstétricales les concernant.

En effet, le rapport de la Rapporteure spéciale de l’ONU de 2019 sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences aborde l’importance du « consentement éclairé » pour « prévenir et combattre les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes » dans le cadre de la réalisation d’actes gynécologiques et obstétricaux. Le rapport encourage les États à « veiller à ce que le principe du consentement éclairé soit dûment et effectivement appliqué, conformément aux normes relatives aux droits de la personne » ; à « adopter des lois et politiques de santé efficaces obligeant tous les services de santé procréative à appliquer le principe du consentement éclairé et à ne pratiquer des césariennes, des épisiotomies ou d’autres traitements invasifs durant l’accouchement qu’avec le consentement préalable, libre et éclairé des femmes », et à « respecter l’autonomie et l’intégrité des femmes, ainsi que leur capacité de prendre des décisions informées concernant leur santé procréative ». Or, l’octroi d’un consentement libre et éclairé, nécessite, pour chaque femme, la possibilité de communiquer dans une langue qu’elle comprend et maitrise.

L’article 4 prévoit une formation à la non-discrimination à destination des professionnels de santé.

Cet article répond aux recommandations du rapport de la Rapporteure spéciale de l’ONU de 2019 sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences 19 qui invite les États à « veiller à ce que tous les professionnels de la santé suivent des séances d’information ou des formations sur les droits […] des femmes ». Afin de prévenir les violences gynécologiques et obstétricales, il semble primordial de former les étudiant.e.s, professionnels de santé, les membres des chambres disciplinaires et les magistrat.e.s à reconnaître les processus discriminatoires qui visent les femmes en raison de leur genre, et également de leur statut socio-économique, leur âge, leur origine, leur santé, leur appartenance raciale, leur apparence physique, leur sexualité et d’autres critères qui induisent des dominations croisées. Cette formation viserait à mieux combattre les stéréotypes intériorisés afin d’en tenir compte lors de la réalisation d’actes médicaux. À titre d’exemple, le « syndrome méditerranéen » est une stigmatisation raciste qui vise spécifiquement les personnes originaires d’Afrique du Nord, d’Afrique subsaharienne, et d’autres minorités raciales, et qui induit une conduite particulière dans la prise en soin du patient ou de la patiente, à savoir, une minimalisation de ses douleurs. En outre, l’histoire des champs médicaux de la gynécologie et de l’obstétrique se sont développés à travers des expériences sur des femmes noires non consentantes, ce qui a marqué le traitement du corps de ces dernières. Encore aujourd’hui, différentes analyses montrent une inégalité de traitement et des soins de « qualité moindre » durant l’accouchement, notamment en raison de pratiques discriminantes.

L’article 5 propose d’étendre à la personne de confiance – si la femme enceinte en a désigné une conformément à l’article L1111-6 du code de la santé publique – la disposition de l’article L 1225-16 du code du travail, modifié par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 (article 11) qui donne pour l’instant au seul conjoint de la parturiente trois autorisations d’absence rémunérée pour l’accompagner lors d’examens de suivi de grossesse.

Cette autorisation d’absence comprend le temps de l’examen médical. L’employeur peut exiger du salarié qu’il justifie notamment d’un certificat du médecin suivant la grossesse et attestant que l’absence est liée à un examen prénatal obligatoire. Ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération. Elles sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté dans l’entreprise. En effet, la loi dite Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a traduit juridiquement la modification des relations existant entre les professionnels de santé et la patiente ou le patient en créant notamment un nouvel intervenant dans le cadre de la prise en charge médicale du patient : la personne de confiance. Cette loi s’était inspirée des travaux du Comité Consultatif National d’Éthique et des Sciences de la Vie (C.C.N.E.) sur le consentement éclairé et l’information des personnes qui se prêtent à des actes de soins et de recherche.

Les patients, comme le corps médical, ont tout intérêt au développement de ce nouvel « intervenant » qui vise à permettre :

– Un meilleur accompagnement du patient dans le cadre de la prise en charge médicale. Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.

– L’apaisement des tensions et faciliter la tâche du corps médical souvent confronté à des divergences d’opinion entre les membres de la famille du patient. À cet effet, la primauté de l’avis de la personne de confiance est consacrée par la loi, ce qui est de nature à couper court à toute polémique.

Si dans nombre de cas cette personne de confiance est le médecin traitant, il n’en demeure pas moins que dès qu’il s’agit d’un parent ou d’un proche, il conviendrait que la loi améliore les conditions d’exercice de ce rôle.

Le titre 3 – et son article 6 – vise à améliorer le dispositif d’assurance civile obligatoire des sages-femmes libérales pratiquant l’AAD (accouchement accompagné à domicile), dont le montant exorbitant2(*) les conduit à abandonner cette pratique, en modifiant l’article L. 4135-1 du code de la santé publique relatif à la procédure d’accréditation et l’article 16 de la loi de 2004. Il s’agit ici de favoriser un accompagnement dit global des femmes.

Les sages-femmes, celles qui pratiquent l’accompagnement global, accompagnent les femmes pendant leur grossesse, leur accouchement et pour les suites de couches mais aussi souvent tout au long de la vie : des douleurs des règles, à la contraception et à la ménopause, etc. C’est une vision plus globale qui permet de questionner différemment l’émergence de certaines maladies ou d’inconforts. C’est une approche environnementale car on parle de l’individu non seulement dans sa globalité mais également dans son milieu de vie et de l’influence de cet environnement sur sa santé. Les femmes qui souhaitent cet accompagnement global ont plusieurs possibilités pour accoucher : en maternité, en maison de naissance depuis fin 2015 et chez elles. Cette dernière option, nommée accouchement accompagné à domicile (AAD), concerne moins de 0,5% des naissances en France. Cette proposition de loi entend lever les freins – liés au système assurantiel – à la pratique de l’AAD afin que les femmes aient réellement le choix du dispositif d’accouchement. En effet, le choix d’une naissance considérée comme « alternative », ou non, suppose d’avoir accès à toutes les pratiques par ailleurs autorisées par la loi.

Le nombre de femmes ayant accouché à domicile est estimé à environ 2000 (recensement effectué par l’Association Professionnelle de l’Accouchement à Domicile – APAAD en janvier 2019). Dans le cadre d’un A.A.D, la loi dispose que la sage-femme est tenue d’apporter tout le matériel de santé nécessaire. Ainsi, elle prévoit les cas d’urgence (monitoring, médicaments, etc.). Elle surveille le travail. Elle apporte également son soutien si nécessaire. De plus, elle reste plusieurs heures après la naissance, afin de vérifier que tant la mère que le nouveau-né vont bien. Enfin, elle assure le suivi et les soins les jours suivant la naissance. Le projet d’accoucher, à domicile ou non, requiert donc une discussion approfondie avec la sage-femme, avec laquelle la femme enceinte et son ou ses potentiel.les accompagnant.e.s ont pu établir une relation de confiance au cours des mois ou des semaines précédant la naissance.

Il s’agit de permettre le choix des femmes, qu’il soit d’accoucher à l’hôpital ou à domicile de façon programmée et encadrée. Or, il y a un écart entre le nombre de sages-femmes qui pratiquent l’accouchement à domicile, et le nombre de femmes qui auraient souhaité accoucher à domicile.

Actuellement, la loi offre le cadre suivant s’agissant des médecins soumis à des risques professionnels particulièrement élevés. Le III de l’article 16 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a ainsi créé un dispositif d’aide à la souscription d’assurance pour certains spécialistes conventionnés, à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie3(*). Le décret n° 2006-909 du 21 juillet 2006 en a défini les modalités pratiques, prévues aux articles D. 185-1 à D. 185-4 du code de la sécurité sociale. Des médecins libéraux exerçant certaines spécialités en établissement de santé et accrédités par la Haute Autorité de santé peuvent ainsi bénéficier d’une aide de l’assurance maladie à la souscription d’une assurance en responsabilité civile professionnelle dès lors qu’ils sont conventionnés et qu’ils ont à leur charge le paiement de leur prime d’assurance (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas couverts par l’assurance de l’établissement). 21 spécialités médicales sont concernées : chirurgie, gynécologie-obstétrique, anesthésie-réanimation, ophtalmologie, cardiologie…. Le montant de l’aide annuelle dépend de la prime versée et de la spécialité, dans la limite d’un plafond qui est de 25 200 € pour l’obstétrique, 21 000 € pour les spécialités chirurgicales, 9 800 € pour l’anesthésie-réanimation et la réanimation médicale et 15 000 € pour les autres spécialités. La part prise en charge varie de 35 % aux deux tiers selon la spécialité et les honoraires pratiqués (secteur 1 ou 2, adhésion ou non au contrat d’accès aux soins). En 2019, cela a représenté 37,3 millions d’euros selon le rapport d’information « L’assurance responsabilité civile médicale : un bilan encore partiel, un suivi nécessaire » fait au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat, publié le 16 juin 2021.

* 1 « Les inégalités sociales et territoriales de santé », Santé publique France.

* 2 Les accouchements à domicile programmés étant généralement exclus des garanties dans les contrats proposés par les assureurs, les sages-femmes doivent se tourner vers un bureau central de tarification (BCT) qui leur propose des tarifs similaires à ceux pratiqués par les gynécologues-obstétriciens, de l’ordre de 28 000 €, très proches de leur revenu moyen. Par conséquent, la majorité des sages-femmes pratiquant des AAD demandent des dépassements d’honoraires de montants très variables, pris en charge en tout ou partie par certaines mutuelles.

* 3 « III. – Les médecins soumis à l’obligation d’assurance mentionnée à l’article L. 1142-2 du code de la santé publique, qui exercent les spécialités mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 4135-1 du même code et qui sont accrédités ou engagés dans une procédure de renouvellement de leur accréditation, peuvent bénéficier d’une aide à la souscription d’une assurance dont le montant est fixé, en fonction des spécialités et des conditions d’exercice, par décret. Cette aide est à la charge de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. A titre transitoire et pendant une durée de trois ans, les médecins engagés dans une procédure d’accréditation peuvent également bénéficier de l’aide mentionnée ci-dessus. S’ils renoncent à demander l’accréditation ou si elle leur est refusée, les médecins qui ont perçu l’aide mentionnée à l’alinéa précédent sont tenus de la rembourser. »

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