Préservation et reconquête de la haie


PROPOSITION DE LOI
en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie

Enregistrée à la Présidence du Sénat le 05 juillet 2023


PRÉSENTÉE PAR

MM. Daniel SALMON, Joël LABBÉ, Guy BENARROCHE, Daniel BREUILLER, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Guillaume GONTARD, Mme Monique de MARCO, M. Paul Toussaint PARIGI, Mmes Raymonde PONCET MONGE et Mélanie VOGEL, Sénateurs et Sénatrices

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

Mesdames, Messieurs,

Les haies, dont les alignements d’arbres et les trames bocagères, constituent des éléments importants des continuités écologiques, et contribuent à la qualité de l’air, aux fonctionnalités écologiques des sols, au cycle de l’eau, et à la qualité paysagère.

Ils abritent également une biodiversité importante, source de résilience pour nos territoires et contribuent à apporter une réponse aux aléas climatiques, de plus en plus importants, violents et fréquents. Leurs bénéfices agronomiques (effet brise-vent, ombre et alimentation pour le bétail, lutte contre l’érosion, abri pour les prédateurs des nuisibles…) et services écosystémiques (stockage de carbone, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité…) pour l’agriculture et la société ne sont plus à démontrer.

Autre bénéfice, le bois bocage est une ressource durable et locale, notamment en termes de bois énergie, potentiellement génératrice de revenus pour les agriculteurs. Cette ressource permet également une autoconsommation du bois sur l’exploitation, que ce soit en litière animale ou en bois énergie. Les haies, les alignements d’arbres et les trames bocagères constituent ainsi un formidable levier pour atteindre nos objectifs en matière de climat et de biodiversité, et permettent le développement du bois énergie durable, vertueux pour l’économie locale.

Malgré l’urgence à agir contre le changement climatique et leur caractère pourtant clairement indispensable, le rythme annuel de disparition des haies a plus que doublé en France entre 2017 et 2021.

La France a perdu 23 500 kilomètres de linéaire tous les ans au cours de cette période, contre 11 500 kilomètres par an entre 2006 et 2014, comme le constate le rapport « La haie, levier de la planification écologique », publié par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER ) le 26 avril 2023.

Ce rapport appelle ainsi à remédier à ce constat alarmant de destruction du paysage agricole français malgré des programmes de plantation qui restent malheureusement marginaux face au phénomène : la politique de plantation permet de créer « environ 3.000 km » de haies par an mais une importante partie des haies replantées ne sont pas gérées et « l’agriculteur perçoit souvent la haie comme une charge nette directe liée à la plantation et à l’entretien, sans en voir les bénéfices ».

En effet, l’histoire des politiques publiques agricoles, marquée par le remembrement et par une Politique Agricole Commune longtemps défavorable à la haie les ont fait disparaître, ancrant cette mauvaise image de la haie auprès des agriculteurs. L’inversion de la tendance des politiques publiques depuis 30 ans reste encore insuffisante pour casser cette perception négative des haies qui persiste pour de nombreux agriculteurs.

Certaines régions travaillent à inverser la tendance. Comme la Bretagne, où le programme Breizh Bocage permet de créer et de restaurer des haies bocagères, en travaillant sur l’entretien des haies plantées, dans l’esprit des préconisations du CGAAER, qui estime que « si l’accent est souvent mis sur la création de nouvelles haies, il convient avant tout de mieux protéger le linéaire existant ».

Dès lors, replanter des haies sans s’attaquer sérieusement aux causes structurelles de leur destruction, et sans travailler à leur gestion durable revient au mieux à se donner bonne conscience, au pire à nuire à la bonne utilisation des finances publiques.

En réaction à ce constat alarmant, le ministère chargé de l’agriculture a lancé une concertation pour construire un Pacte en faveur de la haie pour nos territoires.

Selon le chiffrage de l’Afac-Agroforesteries, 250 millions d’euros par an pendant sept ans sont nécessaires pour répondre avec la filière aux objectifs de la Planification écologique. La crise écologique et climatique impose une réelle planification pour doubler le linéaire de haies d’ici 2050 et restaurer leur bon état écologique.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente proposition de loi. Elle propose plusieurs mesures législatives visant à donner un niveau d’ambition suffisant au Pacte en faveur de la haie pour nos territoires, pour être à la hauteur des enjeux climatiques, de biodiversité, et de développement agricole et local portés par ce sujet. Il s’agit de définir un cadre législatif qui permettra d’apporter au-delà du réglementaire, de l’économique et du changement de comportement, un environnement incitatif au développement, à la gestion et la restauration des haies, les alignements d’arbres et trames bocagères.

L’article 1er prévoit d’inscrire dans la loi des objectifs chiffrés de développement et gestion durable des haies, et d’établir, pour atteindre ces objectifs, une stratégie ainsi que l’élaboration d’un plan d’action national, s’appuyant sur un observatoire de la haie, et sur un groupe de suivi. Il prévoit également que le plan stratégique national prévu par l’Union européenne contribue à l’atteinte des objectifs fixés. Cette planification vient compléter et mettre en cohérence les actions qui se retrouvent partiellement ou totalement dans les différents dispositifs qui se sont progressivement mis en place aux niveaux des territoires : l’aide à la plantation de haie, l’appui à l’ingénierie et au montage de projets de plantations, les paiements pour services environnementaux, la stratégie biomasse, l’animation et l’information transversale du public, l’inscription dans les documents de stratégie ou de planification territoriale (schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), stratégie régionale pour la biodiversité), afin de mobiliser tous les atouts de la haie : climat, biodiversité, protection de la ressource en eau, énergie, résilience et performance de l’agriculture, développement des territoires.

L’article 2 prévoit la mise en place d’une certification de gestion durable des haies et de leur distribution durable et équitable. Cette certification vise à garantir, pour tous les types de haies et de territoires, une amélioration des pratiques, permettant d’atteindre un bon état écologique des haies, et une distribution équitable et durable du bois issu de ces haies. Pour beaucoup d’acteurs, l’absence de définition juridique d’une telle certification ne permet pas d’accompagner le développement de bonnes pratiques des gestionnaires de haies et notamment des agriculteurs. L’inscription dans la loi d’un « Label Haie – Référentiel Gestion » et d’un « Label Haie – Référentiel Distribution » permettrait de disposer d’un outil de politique publique pour garantir, soutenir, et valoriser les pratiques de gestion durable des haies. Les différentes politiques publiques sur les haies – stratégie nationale, déclinaison nationale de la Politique Agricole Commune, paiements pour services environnementaux, fiscalité, projets territoriaux, pourraient ainsi prendre appui sur les garanties de gestion durable certifiée par ce label. L’article prévoit également que ce label permette une valorisation des pratiques auprès du consommateur sur les produits (bois, produits alimentaires), afin de leur permettre d’orienter leurs achats vers un soutien à la haie et sa gestion durable. Ce label serait placé sous l’autorité du Ministère chargé de l’environnement.

L’article 3 vise à encourager le développement de filières bois locales et écologiques, en fixant, pour chaque région, une trajectoire d’augmentation des approvisionnements des chaufferies collectives en bois issu de haies gérées et distribuées durablement, en s’appuyant sur la certification prévue à l’article 2. L’objectif est ici d’enclencher une dynamique territoriale vertueuse de construction et développement de filière bois énergie durable, et de proximité. De nombreuses initiatives existent déjà, il s’agit via une stratégie nationale, de s’appuyer sur ces expériences pour les développer sur les territoires.

L’article 4 prévoit un crédit d’impôt pour les exploitations agricoles bénéficiant de la certification de gestion durable des haies. Il s’agit de créer des incitations à la restauration et à la valorisation de la haie. Les dispositifs d’aides publiques à la gestion durable des haies sont aujourd’hui insuffisamment incitatifs pour les agriculteurs, à l’image du « Bonus Haies » de l’écorégime de la PAC dont le montant est trop faible, ou inégalement développées sur les territoires, à l’image des MAEC Biodiversité sur la gestion durable et sylvicole des haies, ou des paiements pour services environnementaux mis en oeuvre par les agences de l’eau. Il apparaît donc nécessaire de créer un nouveau mécanisme incitatif, accessible largement, ce que permet un crédit d’impôt, qui serait cumulable avec le crédit d’impôt relatif à l’agriculture biologique ainsi qu’avec les autres aides nationales et européennes.

L’article 5 garantit enfin la recevabilité financière de cette proposition de loi.

 

> Voir la proposition de loi

> Voir le dossier législatif

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